Prenons une épreuve cycliste connue, Paris-Roubaix. Un lieu-dit, par où passe la course tous les ans, suscite toujours de nombreux commentaires, le Carrefour de l’Arbre, dernier grand secteur pavé situé à 15 km du vélodrome de Roubaix. Alors, il a souvent été affirmé que le coureur qui vire en tête au sortir de ce secteur pavé est le futur vainqueur de Paris-Roubaix. Pure foutaise ! Ceux qui ont osé prétendre cela, ont heurté un pavé, glisser sur le chemin de l’histoire pour verser dans le fossé de la légende. Comme vous avez pu le constater si vous avez suivi l’édition 2016, c’est faux. Donc voyez comment certains falsifient l’histoire pour créer la légende. Bien évidemment en Bretagne, terre de vélo où les gens connaissent un rayon, ce genre de transgression de la vérité ne se produit jamais. La preuve par onze.
Engloutis par le peloton.
Lors de la deuxième étape de la Sportbreizh 2016 qui s’est déroulée le samedi 18 juin (La vérité repose sur des faits précis !) entre la Pointe du Raz et Plouhinec, les coureurs sont passés près d’une magnifique baie, paradis des surfeurs. On connaît le déroulé de la course. Une échappée de onze coureurs s’est formée après la fameuse baie pour être rattrapée sur le circuit final par Valentin Madouas, le maillot jaune et ses équipiers. Un coup pour rien ! comme on dit dans le jargon.
Revenons à cette baie. Les pseudo-historiens évoquent une légende à cet endroit, celle de la ville d’Ys, le mythe de la ville engloutie. D’autres parlent d’un village de pêcheurs ou de conchyliculteurs qui fut submergé par une énorme tempête qui noya la population. En fin de compte, ils n’en savent rien. Ils n’ont pas de preuve. Alors voici la vraie histoire du lieu-dit une fois les coureurs passés et l’étape remportée par le Vendéen Marion Gaillard. Cette version ne souffre d’aucune contestation et on en parlera encore dans au moins 20 ans.
Vingt ans plus tard.
Eté 2035, Henri, habitant du Cap Sizun a invité un bon copain, Bernard, qui vit dans le Sud de la France, à venir découvrir les routes finistériennes. Ils se sont connus sur Paris-Brest-Paris il y a dix ans. Les deux copains au cours d’une de leurs sorties passent alors à proximité de la fameuse baie. Et Henri, bavard sur un vélo, d’expliquer : « Tu te rappelles Bernard, de Valentin Madouas qui a fait une belle carrière chez les pros. Tout le monde louait son intelligence en course. Déjà quand il était jeune avec ses équipiers, il aimait contrôler la course. Lors de la fameuse Sportbreizh, une échappée était partie peu après la côte. Là, devant toi ! Madouas et ses copains l’ont laissé à une à deux minutes pendant toute la course avant de la manger tout cru à 15 bornes de l’arrivée. Les cyclos locaux ont commencé à appeler ce coin la Baie des Trépassés en se remémorant les échappés engloutis par le peloton. Et depuis le nom est resté ». Le Bernard resta dubitatif. « Tu es sûr de ce que tu avances ?», demanda-t-il. « Véridique, lui répondit Henri, même qu’au départ on appelait ça la Baie des onze Trépassés. Parce qu’ils étaient onze dans l’échappée. Le « onze » a disparu car un coureur a abandonné sur ennui mécanique ».
La vérité sur Wikipedia.
Rentré chez lui dans le sud, Bernard voulut en avoir le cœur net, ouvrit son ordinateur, tapa la Sportbreizh, tomba sur le site éponyme, chercha dans les archives. Effectivement, il découvrit un article daté du 18 juin 2016 sur la fameuse étape et dans lequel il était écrit que l’échappée était passée « de vie à trépas » sur le circuit final. « Trépas, trépassés, ça se tient ! Henri disait donc vrai », se dit Bernard.
Ce professeur d’histoire et géographie en retraite se connecta tout de suite sur l’encyclopédie collaborative Wikipedia et rechercha Baie des Trépassés. Il y trouva la fameuse légende de la ville engloutie, Dahut, Gradlon et tout le tra la la. Il se mit à corriger l’article écrit au conditionnel. Lui choisit l’indicatif : « Ce lieu-dit du Cap Sizun est appelé la Baie des Trépassés suite au passage d’une course cycliste dénommée la Sportbreizh. Onze hommes s’échappèrent à cet endroit avant d’être rejoints à 15 km de l’arrivée. Ce nom imagé fut donné par les cyclotouristes locaux, passa dans le langage courant avant d’être inscrit sur tous les guides toponymiques de Bretagne ». Bernard en guise de preuve créa un lien sur la page Wikipedia qui renvoyait à l’article de Sportbreizh.com, ajouta un PDF du classement de l’étape. Rassuré d’avoir contribué à établir la vérité sur la baie des Trépassés, il éteignit alors son ordinateur et partit accomplir sa sortie hebdomadaire de 100 bornes.
Albert LE ROUX